Introduction
« Quand on veut, on peut » : vous avez régulièrement entendu ce proverbe lorsque face à une difficulté ou à un échec on vous l’a assené. Cette assertion affirme ainsi qu’avec des efforts et de la volonté, il devient possible de résoudre tous les problèmes et de tout accomplir.
Pourtant, cette conception est inadaptée en tant que psychologue concernant l’accompagnement de personnes en souffrance. Nous allons en préciser les raisons dans cet article.
« Quand on veut, on peut » vraiment ?
Selon une perspective philosophique, le processus désirant prouve que tout n’est pas qu’une question de volonté.
S’il suffisait d’avoir simplement de la volonté, nous accomplirions tout et ainsi tous nos souhaits seraient comblés. Or, la déception, la frustration et la souffrance sont inhérentes à la condition humaine.
De surcroît, on a tendance à confondre volition et désir.
Comme toute croyance, elle fonctionne sur la logique du « Pile je gagne face tu perds » : Si vous réussissez c’est en raison de vos efforts mais si vous échouez c’est que vous n’en avez pas fait suffisamment.
Cette conception rejoint celle de la croyance dans le monde juste : « s’il est au chômage, c’est en raison de sa paresse ». Même si ce n’est pas toujours mal intentionné, cette affirmation est maladroite voire violente.
Pour illustrer avec des exemples concrets, dire « ce n’est qu’une question de volonté » équivaut à dire à un aveugle « ouvre les yeux et vois », à un infirme moteur « lève-toi et marche » ou encore signifier à un malade qu’il ne veut pas guérir.
La métaphore de la voiture
Pour illustrer simplement les propos, la métaphore de la voiture est une illustration des moyens nécessaires pour permettre à une voiture de fonctionner : La volonté est le volant, le désir est le moteur, les moyens sont l’essence et les roues.
Dire ce n’est qu’une question de volonté est sous-entendre qu’il suffit simplement à une voiture de posséder un volant pour avancer.
La perspective freudienne de la volonté
Bien que n’étant pas considéré officiellement comme un philosophe, le fondateur de la psychanalyse a contribué aux réflexions sur la condition humaine en prouvant ; contrairement à la perspective cartésienne ; que les phénomènes psychiques ne sont pas essentiellement conscients et rationnels mais principalement inconscients et affectifs.
S. Freud a ainsi indirectement critiqué l’affirmation « quand on veut, on peut » : « La volonté consciente s’étend aussi loin que les processus psychiques conscients et toute contrainte psychique a son fondement dans l’inconscient » (De la psychothérapie).
La persistance du symptôme prouve justement qu’une partie de notre fonctionnement psychique échappe à notre volonté : « Le moi n’est pas son maître dans la propre maison l’esprit » (Une difficulté de la psychanalyse).
S. Freud comparait ainsi le malade au cavalier qui croit diriger sa monture alors qu’en réalité c’est sa monture qui le dirige.
Ce principe est illustré par l’expression: « C’est plus fort que Moi« .
Une conception inadaptée dans l’accompagnement des patients
Si la conception « ce n’est qu’une question de volonté » était juste, les patients ne développeraient plus de symptômes, il n’y aurait plus de malades et tous nos désirs s’exauceraient.
Plus concrètement, si tout n’était qu’une question de volonté, il n’y aurait plus de fumeurs : Combien essaient d’arrêter et combien y parviennent réellement ?
Cette affirmation peut ainsi être culpabilisante, même si elle n’est pas toujours mal intentionnée, par exemple dans le cadre d’un échec à un examen : « Si je n’ai pas réussi c’est parce que je n’ai pas produit assez d’efforts donc je suis mauvais ».
L’existence est justement parcourue d’adversité, de déceptions et de frustrations : combien d’aspirations personnelles, professionnelles et sentimentales ne se réalisent pas ?
Évidemment, je ne suis pas pessimiste, je dis juste qu’on ne gagne pas systématiquement : Citez-moi un sportif ayant remporté tous ses matchs et toutes ses compétitions.
Renoncer à la croyance « quand on veut on peut » signifie renoncer à la toute-puissance, prendre conscience de ses nécessaires limites et trouver la capacité à surmonter les frustrations et les pertes pour devenir plus mature.
Cependant, lorsque les épreuves ou les symptômes deviennent pénibles ou insupportables, un accompagnement psychothérapeutique a justement sa pertinence.
Plus concrètement, ceci explique pourquoi dire à un dépressif qu’il a tout pour être heureux, rassurer un anxieux ou demander à une personne ayant subi un traumatisme de se détendre ne fonctionnent pas dans la durée et donne le sentiment de remplir un tonneau percé.
Conclusion
Évidemment la volonté est utile en mobilisant les efforts nécessaires pour s’adapter à la réalité. Ainsi, elle est nécessaire mais pas suffisante. Il faut apprendre à mieux se connaître pour espérer se rétablir et composer avec ses nécessaires limites, découverte possible grâce à un accompagnement avec un psychologue.
Pour conclure cet article, il sera plus judicieux ultérieurement d’affirmer la conception suivante : « Ce n’est pas de volonté dont on manque mais de moyens ».
